C’est au cours de la cérémonie rituelle qui se tient le 2ème jour du Nguon traditionnel en pays Bamoun et qui matérialise la transmission des produits de la pharmacopée et des puissances mystiques au sultan pour renforcer sa puissance et l’aider à sauvegarder la vie du royaume.
Le jour vient de se lever ce samedi sous le ciel de Foumban dans le département du Noun, région de l’Ouest du Cameroun. Les premiers rayons de soleil arrosent la grande cour du palais des rois Bamoun, déjà noire de monde. Les invités proviennent des quatre coins du pays et de la diaspora. Il y a des chefs traditionnels, des opérateurs économiques, des autorités administratives, des diplomates, des touristes et des ressortissants Bamoun. Ils sont venus en nombre pour vivre en direct le Sha’Pam.
Cette cérémonie rituelle qui matérialise la transmission des pouvoirs au roi se tient ainsi le deuxième jour du Nguon traditionnel. Elle est lourde de symboles et mobilise de nombreux regards. Alors que les discussions vont bon train entre les convives, voilà que retentissent le son des trompètes et clairons. L’entrée du sultan roi des Bamoun est annoncée. Le passage de Sa Majesté est salué par quelques genou flexions, des coups de fusils et son tam-tam. Il prend ensuite place devant l’assistance. Il est entouré de gardes, des notables et proches collaborateurs. Njimonchare fait partie de ce cercle rapproché. Au fil de l’histoire du peuple Bamoun, ce dernier qui porte ce titre honorifique depuis Nchare Yen, le fondateur de la dynastie, a la lourde charge de veiller sur le sultan,Les FonaNguon et les sacs sacrés.
En face, les FonaNguon (chefs du Nguon) ont formé un long rang. Ces envoyés spéciaux des TitaNguon, les détenteurs des sociétés secrètes, viennent des différentes contrées du département du Noun. Il existe une centaine de sociétés secrètes en tout, d’après les chiffres avancés par les initiés. Les FonaNguon sont vêtus pour la circonstance de tenues traditionnelles et transportent une grande corbeille sur le dos. Ils tiennent fermement un long bâton à la main droite et un sac sacré en paille à la main gauche. « Les Titanguon sont comme les députés du royaume. Ils consultent le peuple et leurs pouvoirs (pouvoir du peuple) sont dans le sac. Quand le roi y met la main (sha’pam) ça veut dire qu’il prend le pouvoir qui lui est donné par le peuple bamoun. Justement quand il met la main, il y retire un produit qu’il met dans son propre sac. Il rassemble ainsi plus d’une centaine de produits qui rendent puissant son propre pouvoir », explique Nji Fompehou Amadou, un chef rituel du Nguon. Le sac de ce TitaNguon date de 1810 à peu près. Pendant le Sha’Pam, le sultan roi s’enrichit ainsi des nouvelles découvertes de la pharmacopée et de pouvoirs mystiques qui renforcent sa puissance.
Selon certaines sources, lorsque le roi met la main dans le sac sacré qui lui est présenté, il annule le pouvoir du détenteur de la société secrète. Seul le pouvoir du roi demeure. Redonner le pouvoir au sultan Le Manshut Toupanka, le chef de l’armée royale, a pris au préalable la peine de contrôler les sacs sacrés avant leur présentation au roi. Une fois près du sultan, les FonaNguon se courbent et montrent ce qu’ils ont apporté de plus précieux pour contribuer au maintien de la vie et à la bonne marche du royaume. Sa Majesté le sultan roi plonge sa main à l’aveuglette à l’intérieur des sacs sacrés. Le commun des mortels n’a pas capacité de voir ce qui est transféré d’un sac à l’autre. Les chants rituels accompagnent ce moment fort de la vie du royaume traversée par plus de 600 ans d’histoire.
« Le Sha’Pam est la symbolique même du Nguon. C’est un rituel majeur du Nguon qui redonne le pouvoir au sultan roi pour qu’il redevienne chef pour un mandat de deux ans», indique Nji Fompehou Amado.Une fois le rituel du Sha’Pam terminé, le roi doit retourner à l’intérieur du palais pour se mettre en tenue d’apparat. Il doit regagner la cour d’apparat, non loin du marché Central, pour prendre part à son jugement en public. Ce procès très couru constitue un autre moment phare du festival traditionnel et culturel Nguon. A l’issue de ce procès, le Ta’ngou (ministre de la justice) va prononcer la sentence qui peut déchoir ou reconduire le chef dans ses fonctions régaliennes. Les FonaNguon, arrivés au palais depuis la veille vendredi, sont également au cœur de cette autre cérémonie rituelle.
Mathias Mouendé Ngamo