L’arrivée des Fona’nguon, délégués du peuple Bamoun et membres de la société secrète du Nguon, marque le premier des trois jours de célébrations traditionnelles, le vendredi.
« Muhn kpâne, i yuen yuene kà ». Cette phrase en langue Bamoun est un avertissement : « Qui tente, verra ». Prononcée par les Fona’Nguon lors de leur entrée rituelle au Palais des Rois Bamoun à Foumban (département du Noun, région de l’Ouest, Cameroun), elle souligne le caractère mystique et mythique de cette cérémonie qui marque le début des trois jours de célébrations traditionnelles du Nguon, de vendredi à dimanche. Pourquoi un caractère mystique et mythique ? Déjà, les Fona’Nguon, représentants du peuple Bamoun, sont des initiés et membres de la société secrète du Nguon. Ensuite, leur arrivée se déroule dans le noir total aussi bien au Palais que dans ses environs, et dans un grand silence. Silence rompu par un son semblable à celui d’un coléoptère qui a donné son nom aux célébrations de la culture et de la société Bamoun, mais aussi au mystérieux instrument joué par les Fona’Nguon : le Nguon.
On reste dans le mystique et mythique aussi parce qu’une fois que la singulière procession des 99 Fona’Nguon rentre à l’intérieur du Palais, et même si la lumière revient et les festivités reprennent à l’extérieur, personne ne peut dire avec exactitude ce que les délégués de la communauté vont faire toute la nuit, jusqu’au petit matin de samedi. Toutefois, à minuit, ils sont rejoints par le Sultan Roi des Bamoun, le 100e Nfon’Nguon (singulier de Fona’Nguon). Cette cérémonie rituelle dure depuis plus de 600 ans. Et cette longévité a fini par laisser filtrer quelques éléments d’information. Comme par exemple que l’entrée rituelle des Fona’Nguon est destinée à préparer le Roi pour la suite du programme.
La démocratie, socle de la culture Bamoun
En effet, en amont des célébrations traditionnelles, il y a les préparatifs des rituels liés au pouvoir sacré du Mfon, le Roi. Les Fona’nguon sont alors envoyés par les grands initiés, les Tita’nguon dont ils sont les messagers, dans toutes les contrées du royaume Bamoun, avec deux missions : collecter tous les produits de la pharmacopée traditionnelle et surtout recueillir les doléances de la communauté. Ces produits thérapeutiques seront apportés au Palais par les Fona’Nguon lors de l’entrée rituelle au Palais, dans des sacoches portées en bandoulière par ces initiés.
Quant aux doléances des populations, elles sont soumises au souverain lors de la cérémonie du Yii Nkuu Mùtngu (ou jugement du Roi) le samedi où il descend de son trône et est momentanément dépouillé de son immunité, le temps du « procès » où ses actions des deux dernières années sont évaluées. Une épreuve réussie avec brio en 2018 par le Roi Ibrahim Mbombo Njoya. C’est aussi cela le Nguon, une instance d’interpellation du monarque dans sa gestion de la cité devant toute la communauté Bamoun, dans la lignée des valeurs de démocratie à l’africaine prônées dès 1394 par le fondateur du royaume, le tout premier Mfon Nchare Yen quand, venu de Rifum dans la vallée du Mbam, il a foulé la terre de Njimom avec ses sept compagnons.
Pour le peuple Bamoun, cette démocratie véhiculée par les rituels du Nguon peut s’appliquer à d’autres cultures camerounaises et au-delà, et présente une importante solution contre la dérive des pouvoirs par les dirigeants.