Encore appelé réquisitoire des Fonanguon, le #jugement_du_Roi est l’une des attractions phares de ce rendez-vous culturel biennal devenu incontournable.
Un monarque à la barre ? Difficile à croire. Pourtant, c’est à cet exercice que se livre le Sultan Roi des Bamoun, Ibrahim Mbombouo Njoya, à chaque édition du Nguon. En effet chaque deux ans, à l’occasion de ce qui, au fil des années et des éditions est devenu un rendez-vous incontournable dans la sphère culturelle camerounaise et même en dehors, le Sultan Roi passe en jugement. Et ce, en public. Une scène peu ordinaire qui attire à chaque fois du beau monde. Hommes, femmes, enfants, autorités administratives et chefs d’entreprises. Ils sont nombreux à faire le déplacement pour assister à cette séquence du Nguon traditionnel.
Au son des tam-tams qui rythme des danses traditionnelles, une procession fait son entrée dans la cour royale. C’est précisément le Mechire, la sentinelle royale, qui ouvre la procession. Sa lance en main, il fait le tour des lieux comme pour s’assurer de la sécurité du site. Il est suivi de la reine-mère. Après cette dernière, le Sultan Roi peut faire son entrée. Il est directement suivi du Tah-ngouh, qui représente ici le ministre de la justice. Et avant toute prise de parole, le Tah-ngouh plante avec vigueur au sol, les Kut-mutngu. Ce sont les lances de la vérité. La cour est noire de monde. Personne ne veut rater ce moment où le Sultan Roi est conduit devant la Cour de justice. La cour royale sert de tribunal pour la circonstance.
Le jugement lui, est exécuté par les membres d’une société secrète. Il s’agit des 99 FonaNguon (le sultan étant le 100è). Qui, pour l’occasion se muent en porte-parole du peuple Bamoun ainsi qu’en une Cour constitutionnelle. Chacun dans ses réquisitions passe en revue la gestion du royaume par le Sultan Roi. Symbolique.
Le moment est riche en sons et en émotions. Surtout lorsque face à son peuple, le Roi ne devient plus qu’un simple sujet, sans ses attributs et délaissant le temps du jugement son trône. Le Sultan Roi est debout et sous le soleil durant tout le temps que dure le jugement. Ça a toujours été ainsi. Mais lors de la dernière édition, vu son l’âge, il lui a été permis de s’asseoir. Il était donc assis, mais pas sur sa chaise royale, son trône, plutôt sur une simple chaise pendant toute la cérémonie.
La scène se déroule au vu et au su de tous. Bon à savoir, le Roi peut être reconnu coupable et se voir imputer une amende. Le sultan Roi actuel a été reconnu coupable déjà deux fois : La première fois en 2014 parce qu’il avait pleuré en public lors du décès de sa mère et la seconde fois pour avoir matérialisé les armoiries du royaume au sol au palais.
La condamnation est assortie d’une amende. Pour les fils et filles Bamoun, le jugement du Roi est un moment très important de la vie du royaume. Il symbolise la démocratie. Ça montre surtout que l’Homme Bamoun avait déjà la notion de démocratie avant que les occidentaux n’arrivent chez-nous et donc ce n’est pas avec eux qu’on la découvre. A la fin des réquisitions, et une fois le verdict rendu public, le Roi prononce un discours, prends des engagements, et retrouve ses attributs. Le défilé des descendants de tous les rois Bamoun clôture cette partie du festival.
Marthe Ndiang